Les chroniques d’avant course de Jean Michel Le Roy
Après trois années de disette populaire pour cause de sale bête sanitaire, les 24 Heures du Mans retrouvent cette année leur véritable vocation : permettre à des centaines de milliers de spectateurs de vibrer au rythme d’une course énorme qui voit s’affronter ce qui se fait de mieux sur la planète auto en termes d’endurance.
Au moment où beaucoup de gens sont convaincus que le mal absolu c’est la compétition automobile, il n’est pas aisé de trouver un second souffle à une épreuve qui se targua longtemps d’être le banc d’essai des véhicules autonomes (mais avec un conducteur) à quatre roues.
Face à la vague culpabilisante écologiste, l’ACO (Automobile Club de l’Ouest) a eu beaucoup de mal à ajuster la mire. Il y a bien des solutions dites ‘’alternatives’’ mais elles restent bien souvent coincées dans les cartons de savants souvent fous. Certains « rusés » surfent sur la vague du moment en mettant en avant des solutions tout aussi énergivores que l’énergie traditionnelle.
Il y en a même qui se remettent en selle après moultes tentatives de tromperies, mais même en changeant de patronyme, la mémoire collective se souvient toujours d’eux. Elle pourrait leur rappeler leurs frasques d’antan.
Ainsi va le sport automobile depuis plus d’un siècle et Le Mans n’échappe pas à cette règle.
Pourtant, il semblerait qu’un début de prise de conscience se soit effectuée dans les rangs de la vénérable assemblée de l’ACO, docte association très fermée qui, bien trop souvent, s’est fourvoyée dans des positions rigides et parfois réactionnaires. Un (tout) petit vent de remise en cause vient donner un peu d’espoir pour que la course des 24 Heures du Mans retrouvent leurs missions premières :
1- Être un laboratoire des nouvelles technologies de la mobilité
2- Donner à vivre à un public populaire d’extraordinaires instants légendaires
Pour les nouvelles technologies, on attendra un peu même si l’hybridation arrive au compte-goutte. Pour l’instant, en cette année 2022, pour la 90ème édition de la mythique course, seules les deux Toyota fonctionnent avec des moteurs électriques secondaires puisque Porsche et Audi ont déserté la Sarthe.
Mais 2023 qui s’annonce, fera rouler la majorité des gros protos avec des ensembles thermiques/électriques ou hybrides pour être dans l’air du temps. Toutes les usines annoncées (Ferrari, Porsche, Cadillac, Peugeot, Toyota, BMW et peut être d’autres, travaillent déjà d’arrache-pied au développement de leur propre modèle du centenaire. Ne parlons pas encore de l’hydrogène tant cette technologie est rude à mettre au point et en œuvre à l’échelon d’une course aussi longue que l’épreuve mancelle tout en tenant le bon rythme sur la piste.
Pour le retour du public, quelques efforts ont été faits comme cette journée « open » du vendredi qui permettra de déambuler sur une grande partie du circuit. C’est une initiative difficile à prendre puisqu’il faut maintenir la privatisation des routes publiques utilisées mais c’est ainsi que les spectateurs pourront de nouveau se plonger dans le rêve.
On regrettera par ailleurs que depuis quelques années, la prolifération des espaces dits « VIP » a réduit à la portion congrue les zones spectateurs qui souvent se retrouvent à faire de sérieuses expéditions pour bouger sur un circuit envahi par les grilles et les vigiles.
Les prix ont désormais atteint des limites impossibles à assumer pour les Manceaux eux-même qui, il y a longtemps maintenant, se précipitaient dans les enceintes populaires pour y passer d’extraordinaires moments de fête que chacun d’entre eux garde en mémoire comme une éternelle madeleine de Proust automobile.
Aujourd’hui, dans les collectivités locales gestionnaires du circuit, on retrouve des élus n’ayant jamais mis les pied sur le circuit qui, évidemment, n’ont guère de sympathie pour cette épreuve montrée du doigt par quelques écolos khmérisés.
Faire retrouver au peuple manceau le chemin du circuit est une nécessité. Plus encore : un devoir de mémoire.
Photos : ACO, 24 Heures du Mans.