Renault, en difficulté financière, a présenté ce vendredi 29 mai les détail d’un plan d’économies de plus de deux milliard d’euros. Ce plan passe notamment par la suppression de quelques 15.000 emplois dans le monde, dont près d’un tiers (4.600 exactement) en France ainsi que par la fermeture de sites industriels.
La firme automobile explique que la mise en œuvre de son plan coûtera 1.2 milliard d’euros, pour économie annuelle sur ses coûts fixes évaluée à 2.15 milliards d’euros.
Le plan Renault touche en premier la R&D pour un montant de 800 millions d’euros, suivie par les fonctions dites « supports » (marketing, relations publiques, administration, etc…) pour quelques 700 millions d’euros et enfin les usines pour 650 millions d’euros.
Jean-Dominique Senard et Clotilde Delbos sont à la manoeuvre pour dévoiler ce nouveau plan triennal qui va marquer les esprits, menacer les employés, agacer les syndicats et pas seulement la CGT.
En préambule, les déclarations de JD. Sénard et C. Delbos
Jean-Dominique Senard, le président du Conseil d’Administration de Renault a dit :
» J’ai confiance dans nos atouts, dans nos valeurs et dans la direction de l’entreprise pour réussir la transformation envisagée et redonner à notre Groupe toute sa valeur en déployant ce plan. Les évolutions projetées sont fondamentales pour assurer la pérennité de l’entreprise et son développement sur le long terme. C’est collectivement et avec le soutien de nos partenaires de l’Alliance que nous serons capables d’atteindre nos objectifs et de faire du Groupe Renault un acteur majeur de l’industrie automobile des prochaines années. Nous avons parfaitement conscience de la responsabilité qui est la nôtre et la transformation envisagée ne pourra se faire que dans le respect de l’ensemble des parties prenantes de notre Groupe et dans le cadre d’un dialogue social exemplaire. »
Clotilde Delbos, la directrice générale de Renault a ajouté :
« Dans un contexte fait d’incertitudes et de complexité, ce projet est vital pour garantir une performance solide et durable, avec comme priorité la satisfaction de nos clients. En tirant parti de nos nombreux atouts comme le véhicule électrique, en capitalisant sur les ressources et technologies du Groupe Renault et de l’Alliance, en réduisant la complexité de développement et de production de nos véhicules, nous voulons générer des économies d’échelle dans le but de rétablir notre rentabilité globale et d’assurer notre développement en France et à l’international. Ce projet doit permettre à terme d’envisager l’avenir avec confiance. »
Les salariés menacés
C’est hier soir que la direction de Renault a d’abord présenté le « volet social » de ce plan d’économies qui vise à remettre la marque au losange sur les bonnes voies, celle de la bonne santé financière et celle du succès pour les projets de la firme de Billancourt.
Les dirigeants de Renault l’assurent, il n’y a aucun licenciement sec dans ce plan de restructuration.
En France, Renault va supprimer 4.600 emplois (sur 48.000 salariés) ce qui représente tout de même plus de 9.5% du personnel travaillant dans l’hexagone.
A ce 4.600 emplois supprimés dans les trois années à venir, Renault en ajoute plus de 10.000 autres dans les différents sites industriels du groupe implantés sur la planète.
Le plan prévoit donc des mesures de reconversion, de mobilité interne, de départs à la retraite non remplacés et des départs volontaires dont on ne sait pas encore s’ils seront aidés ou non. Aucun licenciement sec n’est donc annoncé, en tout cas au moment de la présentation du plan 2020/2023.
Au total, le groupe qui possède cinq marques automobiles (Renault, Dacia, Lada, Alpine, Samsung Motors) va se séparer d’ici à 2023 de 8.0% de ses effectifs dans le monde puisque Renault emploie actuellement 180.000 personnes sur les cinq continents.
Des sites industriels menacés
Le groupe automobile Renault insiste d’abord sur un fait. Il assure qu’il ne fermera qu’une seule entité industrielle à l’horizon 2022, sur les 14 sites industriels qu’il compte en France.
Si l’affaire est réglée pour le site de Choisy-le-Roi qui va fermer, l’avenir de la Fonderie de Bretagne (Caudan dans le Morbihan) et de ses 385 salariés à Caudan est soumis à ce qu’appelle la direction de Renault une »revue stratégique ».
Renault se laisse un peu de temps avant de trancher mais le constructeur espère pouvoir trouver un repreneur pour l’ensemble de l’activité industrielle morbihannaise.
En Ile de France, Renault va donc « valoriser » le savoir faire du site et les compétences des salariés qui travaillent actuellement à l’usine de Choisy-le-Roi. Cette valorisation prendra la forme d’une intégration au sein du site de Flins.
L’usine de Flins dans les Yvelines ne sera pas fermée mais verra son activité réorientée lorsqu’arrivera la fin de vie de la Zoe après 2024.
L’usine, qui emploie 2.600 salariés, sera reconvertie. Elle récupérera l’ensemble de l’activité du site de Choisy-le-Roi spécialisé dans le recyclage des pièces d’automobiles et sera reconvertie en centre d’économie circulaire et d’ingénierie si on en croit les propos des dirigeants de l’entreprise
Flins va aussi voir une baisse progressive de ses effectifs qui vont passer de 2.600 à 1.600 employés.
L’usine Alpine de Dieppe (~400 personnes) est aussi dans la même position que celle de Caudan et Renault réfléchit à « une reconversion » possible du lieu, à la fin de la production de l’Alpine A110 dans quelques années.
Le site normand créé par Jean Rédélé n’est donc pas vraiment sauvé, juste en sursis avant probablement un avenir sans Alpine. Il est vrai qu’avec une production quotidienne de 7 coupés, l’affaire semble mal engagée d’un point de vue industriel mais surtout financier.
Renault est clair et même ferme au sujet du site normand puisque le patron du groupe explique que l’usine ne produit pas assez de véhicules et elle ne peut pas rester indéfiniment dans cette situation.
Avec Clotilde Delbos aux commandes, l’affaire ne pardonne pas et si l’usine dieppoise a peut être gagné un répit elle n’a pas remporté la bataille de la pérennisation du site et encore plus de la production de l’A110 qui n’est assurée que jusqu’en fin 2023 à Dieppe. La poursuite de la vie d’Alpine pourrait se faire ailleurs à partir de 2024.
On en parle moins car ce sont des « cols blancs », mais l’effectif du Technocentre de Guyancourt qui emploie actuellement 11.000 personnes devrait perdre 13.65% de son personnel.
Guyancourt devrait voir ses effectifs passer dans les prochains mois ou prochaines années à environ 9.500 personnes.
Le cas Guyancourt
Les services de Recherche et Développement vont payer un prix élevé à ce plan de restructuration.
Renault dit vouloir profiter à plein des nouvelles synergies renforcées mises en place au sein de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.
Chaque constructeur aura ainsi le leadership pour un ou plusieurs programmes.
Renault se chargera par exemple des évolutions de la plateforme CMF-B et des véhicules utilitaires, Nissan travaillera sur les évolutions des plateformes CMF-EV et CMF C/D et Mitsubishi aura en charge le développement de la technologie hybride rechargeable (PHEV).
Cette standardisation renforcée devrait assez vite entraîner une baisse des coûts de développement pour chacun des 3 partenaires de l’Alliance.
Renault va resserrer son offre tant pour les motorisations que pour les véhicules. La marque va donc utiliser moins de motorisations et ne plus faire appel qu’à quatre plateformes contre treize actuellement et ce, avant 2026.
Enfin, le nombre de composants par véhicule va être diminué de 25.0% et celui des sous-traitants associés va devoir passer en moyenne de 9 à seulement 4.
Enfin, le constructeur au losange prévoit à moyen terme la fusion des deux sites nordistes de Maubeuge et de Douai. Une fois les Scenic, Espace et Talisman retirés des chaînes de production, Renault veut unir les deux entités industrielles afin de créer un pôle d’excellence dédié aux véhicules électriques et aux utilitaires légers.
Voici les sites français concernés par le Plan Renault 2o22
Le monde va aussi payer son tribut à la restructuration
Le constructeur au losange fait savoir, comme Nissan hier, qu’il va revoir ses capacités de production sur la planète.
Celles-ci vont être réduites puisqu’elles vont passer de seront abaissées de 4.0 à 3.3 millions de véhicules (-17.5%) sur une base globale de deux équipes et non trois comme c’est parfois le cas.
Renault, comme… Nissan assure souffrir depuis quelques années d’un problème de surcapacité de production.
J-D Senard précise qu’en France, Renault a la capacité de fabriquer 1.080.000 véhicules par an mais n’en produit que 655.000 environ ce qui représente un taux d’activité moyen des usines d’à peine 61.0%.
Il faut que cela change surtout que Bruno Le Maire, le ministre de l’économie a montré ses biceps et fait les gros yeux quand il s’est agit de parler de production hexagonale.
Hors du territoire métropolitain, Renault annonce qu’il va suspendre ses projets d’extension d’usines au Maroc et en Roumanie.
Au Maroc, Renault met fin aux projets d’agrandissement des sites de Casablanca (SOMACA) et de Tanger
En Roumanie, les sites de Mioveni et Pitesti devraient eux aussi voir leurs projets de développement stoppés.
Par ailleurs, la direction du constructeur automobile prévoit de réduire ses capacités de production en Russie, mais aussi ses activités mécaniques en Corée du Sud et la fabrication de boîtes de vitesses en Turquie. Dans ce dernier cas, on évoque même une possible fermeture à moyen terme.
Enfin, on se rappellera que Renault s’est désengagé en Chine où il a mis fin à sa participation dans la coentreprise DongFeng Renault en cédant ses parts à l’autre participant à la joint-venture, DongFeng Motor Corporation.
Ainsi Renault ne fabrique plus et ne commercialise plus de voitures à motorisation thermique en Chine afin d’être en accord avec les nouvelles règles de l’Alliance qui veulent que le marché chinois soit désormais l’affaire de Nissan.
RRG est aussi concerné par la plan
Renault Retail Group n’est pas au mieux et va être restructuré en Europe. Cela passera par la fermeture de points de vente VN/VO ou par leur revente s’il y a des repreneurs.
La même situation existe en France mais l’affaire est déjà engagée dans le cadre de reprises mises en place par des groupes spécialisés dans la vente de véhicules particuliers mais aussi utilitaires ou d’occasion.
Voilà les premiers éléments du plan d’économies présenté ce jour par la direction de Renault et que devra appliquer, et pourquoi pas modifier, le nouveau directeur général de Renault, Luca de Meo qui prendra ses fonctions dans un peu plus d’un mois, au début du mois de juillet prochain.
Via Renault, AP, AFP.