Sur le circuit manceau, le ciel bas et lourd pesait comme un couvercle quand la direction de course fit passer le feu au vert pour cette première séance d’essais. Les averses du début d’après midi faisaient encore traîner ça et là quelques coulées pas franchement aptes à donner confiance aux moins expérimentés des pilotes. Les bouches de ces jeunes gens et jeunes filles s’asséchaient bien plus vite que les treize kilomètres et quelques du circuit, les yeux se voilaient, pleins qu’ils étaient des sensations diffuses.
Prendre le départ de la première séance des essais qualificatifs du Mans, ce n’est pas rien. Même si on a à son actif une grosse kyrielle de kilomètres en course, se retrouver par un frais mercredi de juin dans la Sarthe, c’est tout autre chose que de s’aligner pour une manche du championnat du Danemark, de Nouvelle Zélande ou de Russie ou d’ailleurs.
Là, c’est de la plus grande course du monde dont il s’agit. Alors pas question de ne pas être au top de sa condition physique et mentale.
Avant les essais, les pilotes prennent la pose
C’est le moment où même les plus expérimentés ne font pas les malins. C’est le moment ou chacun, chacune, regrette sans doute un peu de s’être un jour embarqué dans ce truc un peu fou qui consiste, un soir de pluie à se faufiler à près de 300 km/h pour les moins vite, bien au dessus pour les plus rapides entre des rangées de rail qui ne laissent apparaître que des silhouettes de pins bien peu accueillantes.
C’est le moment où, quoiqu’il arrive il faut y aller
D’autant que tous les habitués de l’épreuve vous le diront, une averse au Mans n’arrête surtout pas ces pèlerins encagoulés. Il faisait en tout cas presque sec lorsque débuta la première séance.
Tout de suite, chez Toyota on fit parler Conway qui en 3′ 30 » commençait à mettre du rythme sur une piste pas encore optimum. Thomas Laurent n’hésitait pas et ce fut une sorte de douche… froide pour Toyota lorsque la feuille des temps installa le Vendéen tout en haut de la hiérarchie.
En 3′ 22 », la Rebellion démontrait déjà sa vélocité. Les boss de Toyota s’y attendaient un peu mais là, l’alerte était chaude. Alonso répondit immédiatement avec un 3′ 20 » agressif mais les Suisses avaient de la réserve puisqu’un nouvel assaut de Menezes, l’équipier de Laurent lui faisait claquer un fort beau 3′ 19 » 360 devant les Toy et les SMB.
C’est alors que Tracy Krohn, un vieil habitué des pirouettes mancelles, rencontra sur son chemin un nouvel écueil en la personne d’une LMP2.
Le pétrolier texan y alla d’une « grosse misère » dans le rail des Hunaudières assurément, pas le meilleur endroit pour faire la chose.
Forcément, ça allait jazzer tant l’Américain est coutumier de la sortie de route. Il se dit même que la tradition impose, dans certaines parties du public, de vider un demi à chacune de ses sorties. Fort nombreuses depuis des lustres !
Il fallut donc accorder aux commissaires le temps de réparer le dispositif de sécurité sérieusement chahuté dans l’aventure.
Alors, forcément, la pluie recommença à retomber.
Jusqu’à la fin de cette première séance d’essais libres, rien ne semblait bouger mais le soleil courageux qui présida à la pause de 20h avait de quoi redonner du courage à tout ce petit monde. Le rapide Russe Aleshin fit alors valoir les droits de sa SMB en 3′ 19 » 991 juste avant que Kobayashi ne fixe la mire en 3 » 18 »091. Là, ça devenait sérieux. Même si on était bien loin de la pole du même Kobayashi qui en 2017 qui avait effectué un tour du circuit en 3’14 » 791.
Deux heures pleine d’interruption, ça allait phosphorer dans les motor home, la météo n’étant pas franchement optimiste quand à ce qui allait présider lors de cette édition 2019.
Des essais qualificatifs sous contrôle
On l’avait vu lors de la journée test, on a retrouvé la même problématique pour ces séances d’essais qualificatifs, la donne est claire pour Toyota mais aussi pour Rebellion et SMP, il faut évidemment réaliser une performance mais sans affoler les tablettes d’équivalence.
On sait que jusqu’à vendredi matin, les commissaires techniques peuvent revoir l’échelle des performances. Alors chacun y va de ses opérations de contrôle. Une sorte de poker menteur quoi. A ce petit jeu,Toyota depuis deux ans est passé maître mais une petite bourde est si vite arrivée.
D’emblée, ça tapa fort puisque le Russe Egor Orudzhev bouclait un tour rapide en 3’17 » 633. Mais Kobayashi voulait rester le patron en claquant un beau 3′ 17 » 161, de quoi continuer à énerver tout ce petit monde.
En LMP2, l’Alpine imposait elle aussi un rythme soutenu en réussissant un fort spectaculaire 3′ 26 » 935. Tout comme la Dragon Speed de Davidson en 3′ 26 » lui aussi mais avec un petit dixième de mieux.
Les deux anciens pilotes Toyota, le Savoyard et l’Anglais se rappelaient ainsi au bon souvenirs des patrons des teams de LMP1.
En GTLM, les Porsche officielle n’avaient cure de la B.O.P, elles se battaient devant les concurrentes malgré la belle résistance des Aston Martin qui elles aussi tournaient en 3′ 50 ».
Mais lorsque la nuit se fit plus dense, ce fut la Ford de Priaulx-Tincknell-Bomarito qui s’avéra la plus rapide, histoire de donner des regrets aux fans de l’Ovale.
En GTAM, le Dempsey Racing semble en mesure de rester le patron sa Porsche Proton qui paraissait hier soir la plus à l’aise sur le tracé sarthois.
On pouvait s’enfoncer dans la nuit mancelle. Celle de tous les dangers. La preuve : ce contact un peu après 23 heures entre la Toyota N°7 et la LMP2 Dragon Speed, les deux leaders de cette séance d’essai.
Il y aura plus de peur que de mal mais surtout mécanique et carrosserie au menu de la nuit des techniciens en charge des deux voitures.
C’étaient fort bien parti, restaient quand même quelques boisseaux de grains à moudre.
Crédits photos : ACO, 24 Heures du Mans.
Crédit vidéo : Youtube, 24 Heures du Mans