C’est lors d’un CSE ou Conseil Social et Economique qui se tenait hier que la direction de l’usine Alpine a annoncé une prochaine diminution de la production du coupé Alpine A110.
-53% et pourtant ce n’est pas le Black Friday chez Alpine
Ainsi à compter du 1er janvier 2020, la production de l’A110 va être réduite de 53% et passera de 15 voitures fabriquées chaque jour à seulement 7 unités. Par extrapolation, on peut imaginer que la production passera dès l’an prochain à environ 1.750 unités/an contre 3.400/3.500 actuellement.
On aura par ailleurs à l’esprit qu’au moment de l’arrivée de l’A110 « Premier Edition, Alpine « sortait » 22 à 23 autos chaque jour…
Dany Defontaine, le responsable de la communication de l’usine Alpine explique simplement que la marque dieppoise passe un moment classique dans la vie d’une marque ou d’un modèle en voyant s’ajuster la production à la demande commerciale.
D.Defontaine poursuit en expliquant, comme pour rassurer, qu’Alpine ne produit que les voitures qui sont commandées et qui disposent de bons de commande signés.
S’il n’y a pas de risque de chômage partiel ou de perte d’emploi à craindre pour les 402 salariés en CDI de l’usine de Dieppe, il n’en n’est pas de même pour les salariés intérimaires qui sont au nombre de 120 à 130 selon les périodes.
En effet, leur nombre pourrait passer à seulement une vingtaine dès le début de l’année 2020.
Pour les salariés en CDI, les responsables de production et les chefs d’atelier vont devoir revoir leurs copies et réorganiser le travail d’ici au mois de janvier.
Dans les semaines à venir, les salariés risquent fort de se voir proposer des emplois en détachement sur d’autres sites du groupe. On pense ainsi aux sites de Sandouville et de Cléon, tous les deux situés en Normandie.
Par ailleurs, l’usine dieppoise pourrait dès l’an prochain avoir d’autres activités de production venues de Renault.
On évoque ainsi la possibilité d’assembler des éléments pour d’autres modèles Renault ou d’aider l’atelier compétition de Renault qui fabrique les Renault Clio Cup, Rally et RX dont plus de 90 exemplaires sont déjà commandés.
Le site de Dieppe pourrait aussi servir de point d’appui pour le suivi des voitures dites « compétition client ».
Si du coté des salariés, on est quasiment resté impassible à l’annonce de cet important changement, du coté syndical c’est la douche froide et Dominique Seraffin, représentant de la CFDT mais aussi secrétaire du CSE de dire à Actu.fr qu’il est abasourdi en expliquant : » Pour être honnête, on est tombé de l’armoire ! L’outil est bon, la voiture est parfaite, les travailleurs font le boulot. Nous tenons nos engagements sur la qualité, le prix, les délais de livraison, alors que se passe-il ? ».
Et si la chaîne de fabrication n’était pas le problème ?
Si l’Alpine A110 se vend plutôt bien en France, elle est à la peine hors de l’hexagone.
Si sur notre sol, les amateurs ont répondu présent lors de la renaissance de la marque et du modèle, il n’en n’est pas de même à l’exportation où le coupé se vend assez difficilement (sauf peut être en Allemagne et au Royaume Uni où le niveau de commande est correct).
La France représente à elle seule 60% du total des ventes de la firme normande.
Les représentants du personnel assure qu’en dehors de nos frontières la marque souffre d’un réel déficit d’image qui est préjudiciable face à des concurrents de poids comme Porsche ou Audi.
Il semble que la communication Alpine ait trop pensé en lien avec la Berlinette et aux années 70. Celles-ci sont désormais bien loin pour les moins de 40-45 ans qui n’ont pas connu la grande époque en rallye mondial et pour qui Alpine est souvent un coupé Renault.
A la direction d’Alpine, on tente d’amoindrir ce qui peut s’apparenter à un coup de massue sur la tête des alpinistes et de ceux qui voyaient dans ce retour d’Alpine, une sorte de renaissance du phoenix dieppois.
Gilles Gautherot, le dir’ com’ de la marque au A explique qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir et que ajustement de la production avec le niveau des ventes est partie intégrante du cycle de vie d’un véhicule dit « premium ». Il poursuit en rappelant que l’A110 va sur ses 3 ans.
Après un lancement en 2017 et une voiture qui a plus , la demande a été forte durant les deux années qui ont suivi. Afin de répondre à la demande, Alpine a augmenté sa production pour réduire les délais de livraison qui ont parfois dépassé les 12 mois.
Aujourd’hui l’A110 rentre dans le rang, l’effet « wouah ! » de la nouveauté s’est estompé et la demande est devenue plus sage ou plus rationnelle et, de fait, moins importante. Selon le dirigeant, cette situation était attendue.
On veut bien le croire mais on a quand même un peu de mal avec la disparition de 50% des acheteurs potentiel du coupé français.
G.Gautherot ajoute à raison que le marché du coupé sport, tout comme le marché automobile en général en France mais aussi en Europe, est bien dans une tendance baissière depuis 15-18 mois. Cette évolution du marché touche donc, très normalement, l’Alpine A110 qui bien que plutôt réussie manque un peu de « fun » et de folie pour aller chercher d’autres amateurs de voitures sportives.
Il termine en se voulant rassurant puisqu’il rappelle que les volumes de ventes sur les trois premières années 2017-2018 et 2019 sont dans les objectifs fixés à la marque.
Et si le problème était notamment le réseau commercial ?
Ce sujet avait déjà été évoqué il y a quelques temps par nos confrères de Downshift qui avait pu rencontrer un cadre de l’entreprise automobile normande qui assurait qu’aucune nouveauté Alpine n’était prévue pour 2020 et probablement 2021. Affaire indirectement confirmée par Clotide Delbos, la patronne de Renault qui a parlé des dossiers Alpine et Renault F1 Team il y a quelques jours.
Il semble par ailleurs que, faute de nouveautés, les clients potentiels désertent les show rooms et il n’est pas certain qu’une nouvelle teinte de carrosserie ou qu’un nouveau jeu de jantes alu fassent venir les acheteurs. Les alpinistes attendent plus de la part du constructeur mais aussi, moins concernant la tarification [ndla : les dirigeants de Renault et d’Alpine devraient en direction du cas Alfa Romeo 4C].
Notons aussi que cette baisse des ventes est presque logique et normale pour une auto née il y a trois et vivant essentiellement sur un marché où l’autophobie a, hélas, été élevée en quasi doctrine officielle par une partie de la classe politique.
Le média faisait aussi remarquer que les centre Alpine provinciaux ou hors des grandes métropoles françaises sont presque dans tous les cas plus performants commercialement, et de prendre l’exemple du site bourguignon implanté à Dijon qui, aujourd’hui encore, est sur une bonne dynamique et qui, à lui seul, a engrangé quelques 18% des premières réservations.
On ajoutera que le maillage Alpine en France mais aussi en dehors n’est pas assez important et ce ne sont pas 20 distributeurs dont 4 en Ile de France qui suffiront à vendre plusieurs milliers de coupés chaque année.
On constate aussi que les centres Alpine gérés par le constructeur et ceux présents dans Paris ou aux environs ne sont pas aussi « bons » qu’ils le devraient. Bien souvent ce sont plus des lieux des rencontres et de mondanités, de dégustation de petits fours et de boissons goûteuses, de festivités avec Alpine comme alibi que des endroits dédiés aux amateurs d’automobiles sportives et singulières.
Et comme l’affaire semble, hélas, avérée, on comprend mieux pourquoi il y a beaucoup de monde (notamment en fin de journée ou en soirée) dans les points de vente Alpine « urbains »mais peu avec le ou les commerciaux pour signer des bons de commande.
On pourra aussi évoquer, nous avons pu le constater, des erreurs de casting dans les équipes commerciales où l’on rencontre bien souvent des vendeurs qui apprécient plus le luxe d’une belle breloque, l’image high tech d’un MacBook Pro et la bonne « cassure » d’un beau jean tombant sur des pompes bien brillantes que la passion pour l’automobile, les sports mécaniques et l’histoire de la marque.
Avec Alpine et à une autre échelle, nous avons un peu l’impression de trouver l’erreur faite il y a quelques années avec les Renault griffées Gordini qui nous proposaient du cuir moelleux avec passepoil contrasté plutôt que du plaisir au volant.
Toujours parmi les propos rapportés par Downshift Dominique Seraffin, le secrétaire du CSE de l’usine Alpine mais aussi représentant CFDT des salariés n’hésitait pas à dire que les disparités de vente entre les centres Alpine reflétaient un manque de passion chez certains revendeurs ainsi que dans leurs petites équipes de vente.
Ici aussi, on doit préférer faire des tours en A110 dans les beaux quartiers et se montrer plutôt que d’aller chercher un possesseur de Cayman ou de TT et de le convaincre des qualités de la voiture française. A tout cela, il n’y a rien d’anormal puisque cela existe hélas chez presque tous les constructeurs.
Par ailleurs, on ajoutera que le programme « Experience Alpine » qui propose des rallyes touristiques avec la Route Alpine, une « masterclass » qui doit associer conduite et photographie avec Leica et une ou deux sorties « circuit » avec la Piste Bleue, n’est pas forcément une offre demandée par les alpinistes.
En effet, ceux-ci peuvent trouver la même chose au sein des clubs Alpine qui font tout au long de l’année un gros travail autour de la passion pour la marque.
Ici, Alpine veut déjà jouer dans la cour des clubs Porsche, Maserati ou BMW M sans avoir le même potentiel et en la jouant un peu « petits bras » pour séduire les acheteurs. Il y avait peut être mieux à faire dans les premières années de renaissance de la marque.
Marinoff, l’homme providentiel ?
Arrivé de chez Mercedes-AMG au début du mois de septembre dernier, Patrick Marinoff est depuis cette date le patron d’Alpine Cars.
Recruté à grands frais par Renault, l’homme doit être celui qui fera vivre la firme dieppoise sur le long terme et lui évitera de ne pas faire mieux que Gordini dans un passé récent.
P. Marinoff devrait dévoiler dans les prochaines semaines un plan dit « de progrès » ambitieux et novateur.
Chez Alpine, on dit ne pas avoir encore tiré pleinement le potentiel de certains marchés et on veut bien le croire car avec seulement 70 représentants sur la planète, on peut estimer raisonnablement qu’Alpine a une belle marge de progression dans l’avenir si la firme s’en donne les moyens ou plus exactement si Renault lui en donne les moyens et le temps.
Les dirigeant d’Alpine, usant surement d’un peu de méthode coué pour faire passer les informations au sujet de la production rappellent qu’en septembre dernier, lors de la conférence de conférence de presse Renault pour l’ouverture du salon de Francfort, la direction générale du groupe avait annoncé un plan de conquête pour les prochaines années.
Celui-ci devrait contribuer au rayonnement de la marque à l’international et annoncer des nouveaux projets ambitieux, notamment l’arrivée de 3 nouveautés.
Si l’annonce fait plaisir, on espère seulement que les nouveautés ne s’appelleront pas « bandes décoratives blanches ou tricolores, système Hifi High End, toit panoramique ou service de conciergerie !
La solution pour pérenniser aussi bien le coupé A110 que le marque ne passe t-il pas aussi par une A110 « Sport & Light » qui se verrait débarrasser de bon nombre de ses équipements de confort en ne gardant que l’essentiel, qui perdrait ainsi un peu de poids tout en profitant de réglages plus sportif et d’un prix de vente contenu qui plairait aux amateurs et à leurs budgets.
Les amateurs de voitures de sport et les alpinistes comptent désormais sur les compétences de Patrick Marinoff pour faire vivre au long cours la firme créée par Jean Rédélé mais l’affaire ne sera pas aisée car le nerf de la guerre, c’est à dire l’argent, est détenu par Renault.
Enfin, comme c’est de plus en plus souvent le cas pour les marques automobiles françaises et certains de leurs modèles, il faudrait que les marques pensent à communiquer auprès du public même si cela peut froisser certains bien pensants et une partie de nos élus qui eux « travaillent » tout les jours à la pérennité de leur mandats.
Via AP, Actu.fr, Downshift, FranceBleu, AlpineCars, TendanceOuest.
C’est étonnant de voir à quel point il est difficile de dire que c’est simplement un vrai raté ! 1950 exemplaires vendu en 2018 et 7 en 2017 c’est très loin des objectifs qui expliquent réellement la baisse de production. Une voiture limité dans le marché, par l’offre et les marchés, comment peut-on penser qu’il y aurait succès. On assiste plutot a une tentative de sauvetage d’Alpine, et c’est bien triste.
Petite histoire vécue : j’ étais intéressé par l’ Alpine à sa sortie, et j’ hésitais entre cette voiture et une auto de collection, Porsche ou Alfa, pour un prix voisin.
A l’ époque, je suis allé deux fois au Centre Alpine de Fréjus pour demander un essai : » Je note vos coordonnées, je vous rappelle » me disait le jeune et aimable vendeur.
Au bout de quelques mois, sans nouvelles, je me suis lassé et j’ai opté pour une Alfa de collection…
Chacun en tirera les enseignements qu’il veut…
Robert,
c’est une situation hélas courante , trop courant et pas forcément liée à Renault et Alpine mais il est vraiment dommage que les demandes des clients ne soient pas prises en compte
l’adage veut qu’un client de perdu ce soit 10 autres de manqués…