C’est par la voie d’un communiqué de presse officiel que la marque au losange a annoncé qu’elle avait été mise en examen hier jeudi 8 juin 2021 pour tromperie dans le cadre de la procédure judiciaire française mise en place en janvier 2017.
Il y aurait eu une Renaupollution
On se rappellera qu’à partir de l’automne 2015, après le séisme déclenché par le Dieselgate à la façon Volkswagen, tous les constructeurs qui fabriquaient alors des moteurs diesel ont été placés sous surveillance mais surtout sous enquête.
Dans la foulée du scandale déclenché au salon de Francfort, l’état français a lui aussi voulu savoir ce qui se passait dans l’hexagone et il a mandaté la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) de se pencher sur le cas des groupes automobiles nationaux, en plus de celui de l’allemand Volkswagen.
En 2016, la DGCCRF met en avant des écarts très importants (jusqu’à 377%) entre les performances contrôlées de certains moteurs pour leur homologation et les chiffres vérifiés sur les mêmes modèles Renault en conditions réelles d’utilisation et non sur banc d’essai. Les écarts d’émissions polluantes concernent essentiellement les NOx (oxydes d’azote).
Les enquêteurs s’appuient aussi sur les propos d’un ancien salarié de l’entreprise qui assure que ces pratiques frauduleuses existent depuis 1990, c’est à dire plus d’un quart de siècle.
Le premier volet de l’enquête à française dure environ 15 mois avant que le procureur en charge du dossier demande, début 2017, l’ouverture d’une information judiciaire pour le motif de tromperie sur les qualités substantielles et les contrôles effectués, avec cette circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre les marchandises dangereuses pour la santé de l’homme ou de l’animal.
Il aura donc fallu quatre an et demi pour que le constructeur de Billancourt soit mis en examen ce qui va ouvrir un nouveau volet de la procédure puisque la marque va désormais avoir accès au dossier et aux éléments qu’il comporte.
Après la Renaulution, la Renaujudiciarisation…
L’affaire tombe mal pour le constructeur qui est à la relance tant pour sa production, son mode de fonctionnement que son image et son verdissement en cours.
Renault ne change pas de stratégie dans cette affaire et reste ferme sur ses positions en rappelant qu’il n’y a pas et qu’il n’y a jamais eu de logiciel truqueur dans les moteurs Renault notamment les diesels.
C’est Gilles Le Borgne qui va avoir la charge de gérer cet épineux dossier. Le directeur de l’ingénierie du groupe Renault précise quelques éléments importants et de dire :
« Nous allons enfin pouvoir avoir accès au dossier et nous défendre. Depuis cinq ans et demi, nous n’avons jamais été entendus et il n’y a jamais eu de débat contradictoire. La mise en examen mentionne un dispositif permettant de détecter certaines phases de tests d’homologation. Les limites de fonctionnement en usage client sont uniquement dictées par des contraintes sécuritaires ou physico-chimiques. Ces contraintes ont été intégrées lors de la conception des moteurs il y a bien plus de quinze ans. Toute critique de ces dispositifs est donc anachronique. »
G. Le Borgne explique aussi que les écarts d’émissions entre les cycles mesurés en R&D puis en homologation et les différences qui peuvent exister sur les autos utilisées par clients Renault ne sont pas nouveaux et encore moins surprenants puisqu’elles seraient en phase avec les normes et systèmes de mesures des émissions d’alors.
Le service de communication rappelle par ailleurs que Renault n’a pas encore été jugé puis condamné et qu’il est donc encore présumé innocent au regard de la loi.
… et la Renauprovision
Ce genre de dossier, et nous l’avons tous constaté avec le Dieselgate by Volkswagen, est généralement lié à des sanctions qui sont d’ordre financier. Sans atteindre les dizaines de milliards dont a du se délester le constructeur allemand, les sommes engagées pour des dédommagements pourraient atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros.
Aussi pour faire face et par anticipation Renault Group annonce qu’il a provisionné quelques 80 millions d’euros répartis comme suit :
- Dépôt d’une caution de 20 millions d’euros dont 18 millions pour financer le coût induit des dommages et celui des amendes imposées par la justice
- Provision financière de 60 millions d’euros (si besoin) pour indemnisation des préjudices causés
Enfin, on gardera à l’esprit que l’équipe dirigeante actuelle de Renault n’est aucunement impliquée dans ce dossier puisqu’aucun des directeurs en place en 2021 ne l’était en 2015 ou avant.
Par contre, si on en croit plusieurs sources proches du dossier, Carlos Ghosn aurait été interrogé comme témoin il y a quelques jours à Beyrouth par les juges français en charge de ce dossier. Il se pourrait donc que l’ex-patron du groupe automobile français soit inquiété et mis en examen dans le cadre de ce « Renaudieselgate ».
A suivre.
Via AP, RenaultGroup, LesEchos,