Treizième mois de baisse consécutif dans un marché automobile français au plus bas depuis 2019 mais surtout tout proche du niveau du début des années 1970.
Le secteur a enregistré seulement 171.089 immatriculations de voitures particulières en juin ce qui représente une baisse de 14.24% sur un an avec seulement un jour ouvré en moins par rapport à juin 2021.
Depuis le printemps 2021, le marché automobile est fortement ralenti en France, en Europe et outre-Atlantique notamment du fait de la pénurie de semi-conducteurs mais pas seulement.
Si l’on peut mettre sur le compte de cette crise industrielle une partie de la crise du secteur, elle n’est pas la seule raison à l’effondrement des marchés automobiles qui ne semble pas vouloir s’arrêter.
Ainsi, pour la France, François Roudier, le directeur de la communication de la Plateforme automobile, explique ce jour qu’il devrait se vendre entre 200.000 et 250.000 véhicules pendant un mois de juin normal. Il ajoute que ce sont les mêmes effets qui produisent les mêmes conséquences et que nous sommes toujours avec un problème d’offre lié à la pénurie de semi-conducteurs. Et d’ajouter, un peu désabusé :
« On en est vraiment à gérer l’industrie presque au jour le jour. »
Mais comme dit plus haut, la ou les autres causes de la situation sont à chercher ailleurs. Nous y reviendrons en fin d’article.
Une tendance baissière durable
Le marché automobile français des voitures particulières enregistre encore record à la baisse en juin avec un treizième mois d’affilée orienté vers une chute des ventes et donc des immatriculations (- 14.24 %).
Sur les six premiers mois de 2022, le marché français a reculé de 16.34% sur un an avec seulement 771.982 immatriculations. Le recul sur le premier semestre de cette année est donc de près de 34% par rapport aux six premiers mois de 2019 qui reste l’année de référence.
En juin 2022, avec 171.089 immatriculations, le marché français des voitures particulières neuves est en baisse de 14.24% en données brutes par rapport à juin 2021 (21 jours en juin 2022 versus 22 jours en juin 2021) qui n’était déjà pas un mois exceptionnel tout comme le fut déjà juin 2020, durant la première année de l’épidémie de Covid.
On notera aussi que le marché des VU ou petits utilitaires (<5.1 tonnes) est aussi en pleine contraction avec une baisse de 21.95% et seulement 36.515 immatriculations en juin.
Pour qu’il n’y ait pas de jaloux sur 4 roues ou plus, sachez que le marché des camions ou VI (véhicules industriels) est lui aussi en recul avec -9.7% soit 4.139 mises à la route.
Les ventes à particuliers sont bien évidemment en nette repli sur les six premiers mois de l’année. Seulement 350 .456 immatriculations ont été enregistrées en un semestre ce qui représent une moyenne de 58.409 ventes par mois. Le niveau de vente a perdu 9.8 points par rapport à la même période en 2021 et les particuliers ne représentent plus que 45.4% des ventes en France. Jamais ce pourcentage n’avait été au bas et il devrait encore diminuer dans les prochaines mois ce qui ne devrait pas faire l’affaire des constructeurs mais aussi, ne l’oublions pas, des distributeurs ou concessionnaires. Il n’est pas certain qu’à l’heure de la « mobilité vendue en barre, en caisse de 12 ou un pack » ou de l’électro-mobilité assénée à grand coup de LLD ou de LOA avec Bonus écolo transformé en apport ou de 1er loyer majoré, devenir concessionnaire soit un métier d’avenir !
Quelques graphiques pour avoir un aperçu du marché automobile français en 2022
Un oeil sur le marché et sur la situation de chaque type de motorisation
Si on se réfère aux données de NCG-Data, on découvre les éléments suivants (particuliers + entreprises) :
1- La part des motorisation essence a représenté 289.612 unités immatriculées sur le 1er semestre 2022 et ce, malgré une baisse de quasiment 26.0%. Et, malgré une communication médiatique qui pourrait laisser penser le contraire, sur le 1er semestre 2022, la motorisation thermique essence est restée la motorisation plus vendue durant cette première moitiés d’année.
2- Un peu partout, on nous dit que les hybrides et les hybrides rechargeables, c’est dépassé et sur le point de « mourir ». Que nenni, puisque les moteurs hybrides essence s’occroient une part de marché de 19.70%, ce qui représente 152.061 véhicules mis à la route en six mois et des ventes qui progressent de 12.9%, ce qui est plutôt bien en cette période de crise du monde automobile.
3- Non, la troisième motorisation la plus vendue n’est pas le moteur électrique mais la motorisation diesel. Entre le 1er janvier et le 30 juin 2022, ce sont quelques 130.031 véhicules thermiques diesel qui ont été vendus et immatriculé sur le marché automobile français. Bien qu’en nette baisse sur les six premiers mois de l’année (-38.80%), le diesel s’octroie encore 16.8% des ventes.
4- Les BEV ou Véhicules 100% électriques se sont vendus à 93.334 unités entre janvier et juin. Ils tiennent en ce début d’été 2022 12.1% du marché. Leurs ventes progressent largement puisque le taux de croissance de ce type de véhicule est de +28.7%, c’est à dire beaucoup plus que les thermiques Essence, les thermiques diesel et les Hybrides.
On notera que les ventes de véhicules GPL progresse avec 24.419 immatriculations (+ 11.00%) ce qui représente quelques 3.2 % du MTM français. L’éthanol (officiel) fait son apparition dans les chiffres et données du marché puisqu’il passe le cap de 1.00% des ventes avec 7.672 véhicules mis à la route depuis le 1er janvier dernier.,
Un aperçu de la situation des constructeurs au moment du basculement dans la seconde moitié de l’année
Le groupe Stellantis est toujours leader sur le marché mais c’est un leader qui perd de sa superbe puisque sur le marché français il est en recul de 21.09% sur le premier semestre de l’année, avec notamment des fortes baisses pour Citroën, DS Automobiles, Jeep, Fiat et Maserati, ce qui n’est pas un signe rassurant. Peugeot et Opel sauvent les meubles avec des baisses des ventes inférieures à 5.0% et c’est Alfa Romeo qui brille en juin 2022 avec une hausse de ses immatriculations de 34.36%. Est-ce l’effet Tonale, possible mais cette belle progression de la firme milanaise ne profite guère au groupe Stellantis puisqu’Alfa n’a immatriculé que 305 véhicules en juin 2022.
Stellantis détient au 30 juin 2022 quelques 32.50% du marché français mais chute globalement sur ce dernier mois de 16.94%.
Renault a limité sa chute à 10.75% sur six mois et progresse même de 4.09% en juin grâce à Dacia (+15.88%) et Alpine (+19.61%). La marque au losange ferait presque de la résistance puisque ses ventes ne sont en recul que de 0.76% le moi dernier ce qui correspond à un recul des ventes de seulement 278 unités.
Sur les six premiers mois de 2022, Dacia progresse de 2.69%, Alpine de 79.23% mais Renault trébuche avec une baisse de ses ventes de -16.63%.
En juin, le groupe allemand Volkswagen est à la peine avec une baisse des ventes de -36.95% et 11.139 unités perdues sur le marché français. Si Bentley est à la hausse +30% (13 immatriculations) tout comme Cupra (+9.71%) et si Porsche sauve les meubles (seulement -7.63%), les autres marques du groupe plongent, particulièrement Seat, Audi, Volkswagen et dans une moindre mesure Skoda avec des baissens comprises entre -21.05% et -54.85%.
N’y aurait-il plus « de jus » dans le réseau Volkswagen, à moins que la bonne fée électricité si chère à Herbert Diess ne ce soit endormie à cause de la crise des semi-conducteurs et de prix trop élevés ?
BMW Group chute de près de 11.0%, entrainé vers le bas par Mini qui perd 2026% de ses ventes par rapport à l’an passé à la même période. Rolls-Royce est aussi dans la spirale descendante avec -100% et aucune vente en juin 2022 contre 3 l’an passé.
Si BMW fait la grimace, chez Mercedes-Benz on a le sourire car la marque à l’étoile voit ses ventes progresser de 12.50% malgré le plongeon de Smart qui chute de 22.52% et seulement 117 livraisons en juin. Le futur baby SUV électrique « made in China » permettra t-il à Smart de se relancer, rien est moins sur !
-18.66% pour Ford qui résistait bien depuis quelques mois notamment grâce à ses versions Flexfuel E85, le manque de pièces nécessaires à la fabrication est peut-être l’une des raisons de ce recul des ventes de la marque à l’ovale bleu. Une chose est sûre, le grand SUV Explorer PHEV ne permet pas à Ford de résister à la crise du marché automobile français.
Geely Group et ses marques Volvo et Lunk & Co sont toujours à la peine en France avec des ventes qui sont passées de 1.791 à seulement 922 unités soit une baisse de -48.52%…
Même JLR avec ses marques Jaguar et Land Rover chute moins fortement (-20.20%) mais il est vrai avec des volumes inférieurs puisque 159 Jaguar et 459 Land Rover ont été mis sur la route en juin.
Du coté des marques japonaises et coréennes, c’est la soupe à la grimace généralisée en juin tant pour le groupe Toyota qui est pénalisé par le -71.08% réalisé par Lexus ce qui représente le triple de la baisse des ventes de Toyota qui ne perd que 23.94% de ses livraisons le mois dernier.
Suzuki, qui s’en sort généralement bien ou… pas trop mal, chute lourdement en juin (-46.52%) et ce qui représente quelques 1.303 immatriculations perdues le mois dernier.
Mitsubishi qui avait rebondi au coeur du printemps, rechute et voit ses ventes perdre -5.94% (190 immatriculations).
Ce mois de juin 2022 a du être rude pour tout le monde puisque les marques du groupe sud coréen HMG (Hyundai et Kia) sont à leur tour touchées par la fameuse crise et la baisse des ventes.
Au global, Hyundai et Kia chutent de 11.08% avec une répartition quasi équivalente de la baisse des ventes pour chacune des marques.
Seuls marque asiatique qui a le sourire, Nissan qui progresse de 18.44% pour atteindre les 2.601 livraisons en juin. Ce signal réconfortant devra toutefois se confirmer puisque la marque est à la peine sur le marché français depuis plus de 18 mois.
Tesla enregistre aussi un fort recul de ses livraisons en juin (-39,80% et -10,46% sur six mois) mais il se pourrait que ces performances orientées à la baisse soient en partie liées au retour de l’épidémie de Covid en Chine ainsi qu’à l’impact de la crise actuelle pour certains composants électriques et électroniques. Tesla pourrait aussi payer chez nous, mais aussi ailleurs, sa politique tarifaire instable (surtout à la hausse) et peut être les prémices d’une insatisfaction d’un partie de la clientèle de plus en plus nombreuse et de moins en moins vouée au « culte » de la marque américaine.
On notera enfin que les « petites marques » s’en sortent plutôt pas mal puisqu’en juin, elles sont vu leurs ventes progresser de près de 34% pour atteindre les 2.986 unités.
Un oeil sur les ventes depuis le 1er janvier 2022
Sans aucune surprise, les 10 premières places du TOP 100 ventes de VP est trusté par les deux groupes automobiles « français », Stellantis d’une part et Renault d’autre part. La répartition est équitable puisque le groupe dirigé par Carlos Tavares place 5 autos (208, C3, 2008, 308, 3008) et celui présidé par Luca de Meo avance aussi 5 voitures (Clio, Sandero, Captur, Arkana, Duster).
Des SUV, des citadines et une compacte sont dans ce TOP 10 des ventes.
Parmi les éléments notables, on constate :
– La bonne forme des deux Toyota Yaris (berline + Cross)
– L’entrée dans le Top 100 de deux MG (qui l’aurait cru il y a 18 mois ?)
– Le faible niveau de vente de la Peugeot 508 pourtant à l’agrément certain et qui risque de souffrir dans quelques mois de l’arrivée de la 408
– L’arrivée de la Renault Mégane E-Tech Electric à la 66eme place
– Sur les 100 véhicules classés ici, 51 sont des SUV/Crossovers
– Le bon démarrage de la nouvelle Toyota Aygo X
– Le Dacia Jogger qui dépasse la Citroën C4
– La Dacia Spring est le VE le plus vendu en France durant le 1er semestre 2022 devant la Renault Zoé, la Tesla Model 3, la Tesla Model Y, la Renault Mégane E-Tech EV, la Citroën e-C4, la Kia EV6 et le MG ZS EV. D’autres sont bien évidemment dans le classement mais ils sont confondus avec les versions thermiques de la même gamme.
Une petite tribune (à discuter) en guise de conclusion
C’est la crise et elle semble bien installée . On dira même, pour employer un mot à la mode, durablement installée.
Si la crise des semi-conducteurs est un peu à l’origine de la situation actuelle qui prévaut dans le monde merveilleux de l’automobile, ah non, on me dit que ce n’est plus le monde de l’automobile mais celui de la mobilité.
Crise industrielle et technologique, crise économique globale, délocalisation des productions et « just in time »‘ pour maximiser les marges, marche forcée et probablement inutile vers le véhicule électrique que l’on veut imposer à tous ou plus exactement à ceux qui en ont envie et surtout les moyens financiers, refonte des gammes des marques, hausse des prix de vente, perte des repères des acheteurs, voitures sans attrait autre que le logo ou le système d’infodivertissement, guerre en Europe, tension sur le prix des matières premières sont parmis les éléments qui ont conduit à la situation actuelle sur le marché automobile.
Et si on en croit les meilleurs analystes, il n’y aura pas de sortie de la crise des semi-conducteurs avant, au mieux, fin 2023 ou 2024.
Alors que l’Europe politique fonce tout droit vers l’électromobilité qui serait, selon nos dirigeants et élus, la panacée, on sent poindre une prochaine crise des batteries qui pourrait encore fragiliser un peu plus le secteur automobile, ceci du petit garage à la Méga usine ou à la Gigafactory…
Certains ont voulu, à tort ou à raison, imposer leurs paradigmes mais ils n’ont pas vu ni apprécié avec lucidité et pragmatisme la situation du monde automobile mais aussi celui de nos sociétés. Ils ont fait le choix de tout bousculer en écoutant le chant des lobbies mais ils n’ont pas pris le temps de tout vérifier et analyser puisqu’entre écologie et maximisation des profits, ils ont oublié le facteur humain, social et une certaine idée de la liberté de chacun.
On nous parle et on nous vend de la mobilité à longueur de temps mais au regard de la situation actuelle et de celle qui s’annonce, on nous vend en fait moins de liberté et plus de contraintes !
Si elle n’est pas tout, l’automobile est un élément de notre civilisation depuis presque 150 ans et elle méritait considération et attention pour la faire évoluer. Certains ont choisi la crise pour nous imposer des changements pénibles et contraignants à tout point de vue et par ceux qui ont fait ces choix, il y a des gens du monde automobile.
Le secteur automobile n’a fini pas de boire le bouillon mais peut-être l’a t-il bien cherché ces dernières années !
Via AP, PFA, L’ArgusPro, AAAData, NGC-Data.
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