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Entretien avec Vic ELFORD et David STONE lors du Rallye Monte Carlo Historique 2008

Quelques jours après la disparition de Vic Elford, je vous propose d’aller à la rencontre du pilote britannique lors d’un interview que j’avais réalisé lors du Rallye de Monte Carlo Historique de 2008.
Entre souvenirs, rigolade et bon esprit, retour sur la victoire de l’équipage Elford/Stone sur Porsche 911 dans le Monte Carl’ 68 avec les deux protagonistes d’alors.
(ndla : On se souviendra que Vic Elford avait déjà remporté le prestigieux rallye en 1967. C’était déjà sur Porsche 911 mais dans la catégorie GT et non au classement général)

Moment de discussion avec Vic Elford et David Stone

CB : Vous avez Vic et David au Monte Carlo 68 fait gagner pour la première fois une 911 dans un rallye. Vous rendez-vous compte de la signification de cette victoire pour la 911 et l’ensemble de la firme Porsche?

VE : Maintenant et de plus en plus effectivement, parce que à l’époque la signification était surtoutpour nous parce que c’était moi qui voulais aller chez Porsche. Je les ai persuadé de venir en rallye, ils avaient aucune intention de le faire, ils ne voulaient pas le faire. On leur a montré de quoi la voiture était capable et je pense que c’était vraiment le début de tout un air de Porsche commençant avec ce rallye parce que l’usine ne voulait absolument pas faire de rallye, on l’a fait et cela n’a jamais arrêté depuis.

CB : Comment est née votre complicité avec David ?

VE : Quand je suis allé chez Triumph en 1963, j’avais un co-équipier qui ne pouvait pas venir régulièrement et le directeur de course chez Triumph m’a dit «  il y a ce jeune David STONE, il est pas mal dans les rallyes anglais comme co-équipier, tu ne veux pas essayer ? Je lui dis : oui, d’accord ! >> Alors, on est parti ensemble sur le rallye des Tulipes et tout de suite on s’ait trouvé une grande sympathie et surtout une grande conviction de l’intérêt de travailler ensemble dans l’avenir.

CB : Pour vous Vic, quelles qualités humaines devait avoir un couple pilote/navigateur pour avoir toutes les chances de s’accorder parfaitement afin de mener à la victoire leur voiture ?

VE : Oh ! Oh ! Professionnalisme d’abord et je crois que David était certainement le plus professionnel et le meilleur de tous les co-pilotes de tous les temps ! Je pense qu’il y a peut être deux autres qui peuvent l’approcher et c’est Jean TODT à l’époque et aujourd’hui sans doute Daniel ELENA, mais de tous les deux c’est toujours David pour moi.

CB : Vic, vous avez commencé votre carrière de pilote sur une Mini en 61, puis DKW en 62, puis Triumph et Ford, il faut dire que vous aviez un nom prédestiné, comment êtes-vous entré chez Porsche ?

VE : J’en avais « raz le bol » de Ford à l’époque alors je suis allé chez Porsche pour leur dire : « j’ai vu un peu les 911, on ne connais rien, pas grand-chose sur la voiture mais je suis persuadé que c’est une voiture de l’avenir et naturellement avec beaucoup d’essais Porsche a dit : bon ok, on va vous prêter une voiture simplement pour le tour de Corse et on verra …, et la première fois que je l’ai conduit je suis arrivé troisième puis à suivi tout de suite le Monte Carlo encore troisième et le championnat d’Europe, etc …

CB : Aviez-vous décelé dans la 911 des qualités et surtout un potentiel exploitable avant d’entrer chez Porsche ?

VE : Pas vraiment parce que les deux, trois 911 qui étaient en rallye à ce moment là étaient dans les mains de privés avec un peu d’assistance de l’usine. On n’avait jamais vraiment vu de quoi la voiture était capable mais il y avait quelque chose !!! Je ne sais pas et rien qu’en regardant la voiture par les spécifications, j’étais persuadé que c’était la voiture de l’avenir. Tout le monde disait qu’avec le moteur à l’arrière c’était inconduisible alors j’ai prouvé que c’était loin d’être inconduisible et en fait c’est une voiture capable de tout faire simplement il fallait trois mois pour apprendre à la conduire.

CB : Porsche vous a confié pour ce Monte Carlo mémorable une 911 T de 180 ch. Aviez-vous poussé dans ses derniers retranchements votre 911 pour l’amener à la victoire ?

VE : Absolument, on était absolument à fond du départ à l’arrivée. Je me souviens d’une montée assez serrée suivie d’une descente très, très rapide. Il y avait un peu de neige et de verglas sur la route, j’ai choisi avec la confiance que j’avais en David et avec mes notes de partir en pneus course et sur la descente nous étions à plus de 200 à l’heure avec ces pneus racing. A l’arrivée vous savez je fume comme un pompier et il m’a fallu plus de cinq minutes avant de pouvoir allumer une cigarette.

En discutant ensuite avec David Stone je lui dis « tu penses qu’on aurait pu prendre combien de virages plus vite ? » : Il me répond : Oh ! Peut-être trois… je crois… deux. C’était comme ça à la limite, toujours à la limite !

CB : De combien de personnes était constitué votre team lors de ce rallye de Monte Carlo ?

VE : Honnêtement je ne me souviens pas, pas beaucoup parce que c’était assez nouveau pour Porsche qui était toujours pas vraiment intéressé. Certainement pas pour Ford avant et Alpine après avec mon ami Gérard LAROUSSE et puis encore plus tard avec Citroën comme aujourd’hui par exemple.

CB : Quel était l’ambiance dans le paddock à cette époque ?

VE : Oh ! Très bien, formidable ! Comme ici. On était tous amis, on est toujours amis.

CB : Avez-vous une anecdote amusante à nous conter à propos de ce rallye de Monte Carlo 68 ?

VE : Pas vraiment ! Parce que on ne rigolait pas dans nos voitures Ah ! Ah ! Ah !…

CB : Vous aviez, au Monte Carlo 1967, raté la victoire de peu, racontez nous dans quelles circonstances.

VE : C’était une année avec un règlement très bizarre de l’ACM. On avait le droit à deux jeux de pneus pour chaque voiture qu’on devait porter sur ou dans la voiture et pour la dernière nuit la météo disait « il va faire beau, il ne peut faire que plus beau, pas de neige » et puis en fait je suis parti sans les magnifiques pneus cloutés que j’avais déjà utilisés et quand nous sommes arrivé sur le Turini, une tempête de neige !!!
Alors, les tractions avant même sans les bons pneus peuvent toujours avancer plus ou moins tandis que la Porsche est la meilleure voiture sur la neige mais il faut les bons pneus pour le faire !!

CB : Justement, sur quel type de sol appréciez-vous la 911 ?

VE : Les deux !! La conduite est totalement différente mais j’aime les deux

CB : Quel votre meilleur souvenir en rallye ?

VE : Gagner le Monte Carlo 68 avec la 911, Ah ! Ah !

CB / Je me tourne maintenant vers vous David pour vous demander si vous auriez aimé être pilote comme Vic ?

DS : J’ai jamais voulu dans ma vie, jamais ! J’ai préféré être le meilleur co-équipier en place mais j’ai jamais eu l’ambition d’être pilote, jamais, jamais, jamais !!

CB : David, quel est le plus grand défaut de Vic et sa plus grande qualité ?

DS : Oh ! Sa plus grande qualité est son calme, très très calme. Il respecte son co-équipier parce qu’il la fait dans sa jeunesse et avec çà il comprend les problèmes et la valeur de son co-équipier.
On n’a jamais eu de mots désagréables dans notre vie. En 45 ans il y a toujours eu une entente cordiale entre nous. Jamais, jamais, un problème !

CB : Et son défaut ?

DS) Son défaut, il fume !! Ah !, Ah !
Et en plus il ne peut pas supporter le froid. Un jour nous étions en Suède, nous sommes sortis de la route, je sors de la voiture de mon coté pour la dégager de la neige.
Au bout de dix minutes je demande à Vic « comment ça va ? ».
« Oh ! Ça va bien », je continu de déneiger, je demande de nouveau à Vic « ça va ? » « Oui, oui ! », je suis arrivé de l’autre coté, il était à l’intérieur de la voiture dans le chaud et c’est moi qui ai enlevé toute la neige, Ah ! Ah !

CB : Pour vous dans ces années fin 60, quelle était la marque la plus dangereuse pour Porsche ?

DS : Oh ! À la fois c’était les Lancia et les Alpine. Heureusement, la « Berlinette Alpine » était relativement fragile mais la Lancia était très, très solide comme voiture. Elle était rapide dans les descentes mais on l’a rattrapait dans les côtes.

CB : Vic et David, êtes-vous heureux de participer à ce Monte Carlo historique ?

VE et DS) « Oh ! Oui » en cœur !!!!!

Entretien & photographies : Claude Brissard, Porsche.

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