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Ferdinand Piëch (1937 – 2019) : Le père des 917 et Quattro est mort

Né à Vienne en Autriche le 17 avril 1937, Ferdinand Piëch était le fils d’Anton Piëch et de Louise Porsche, et de fait, le petit-fils de Ferdinand Porsche.
Il fut l’homme puissant et influent qui a poussé le groupe Volkswagen vers les sommets et vers la première place mondiale au classement des constructeurs automobiles mondiaux.
Piëch est celui qui a permis et voulu le développement de l’entreprise de Basse-Saxe mais il était aussi un passionné qui a créé des projets forts et historiques, racheté bon nombre de marques automobiles (tout en manquant le rachat d’Alfa Romeo) et le père d’une famille qui compte 12 enfants.

Nous sommes en 1963, Ferdinand Piëch débute sa carrière comme ingénieur chez Porsche à Stuttgart.
Dès la seconde moitié des années 60, il prend la direction du programme Porsche Compétition. Il est l’homme des premiers succès de Porsche dans la Sarthe, notamment en 1970 avec la 917K qui remporte la course des 24 Heures du Mans. Ce sera le début d’une longue et glorieuse aventure en terre mancelle où Porsche reste toujours la marque qui a remporté le plus de victoires devant… Audi.
Tout aurait du se passer pour le mieux dans le meilleurs des mondes mais des tensions et des frictions avec son oncle le poussent à quitter l’entreprise de Zuffenhausen pour en rejoindre une autre installée à Ingolstadt, Audi.

En 1972, Piëch rejoint Audi et le groupe Volkswagen. Il est celui qui fera la renaissance et la renommée de la marque aux anneaux en initiant le développement des moteurs à 5 cylindres en ligne puis la transmission intégrale Quattro.
Il participe aussi à la montée en gamme et à l’évolution technologique d’Audi notamment en jouant la carte de l’aérodynamique (Audi 100 – COTY 1983), de la qualité (les fameux plastiques moussus c’est lui) et l’efficacité des moteurs avec, notamment, la mise sur le marché de l’Audi 80 TDI qui emprunte la technologie Common Rail développée par Fiat et Bosch.

Grand patron d’Audi entre les années 1988 et 1992, il change de marque et de fonction en 1993 en devenant le patron de VAG dont la situation n’est guère florissante au début des années 90.
Piëch qui est fin, malin et qui sent le marché automobile évoluer va racheter des marques qui, à l’époque ne valent pas cher.
La prise du pouvoir par Piëch ne se fait pas sans douleur ni dommage puisqu’il s’en suivit durant quelques mois une vague de départs parmi les membres du directoire qui ne voulaient pas suivre le projet qu’il avait initié et dont nous connaissons aujourd’hui un bel aboutissement industriel et financier.

C’est l’époque des rachats de Skoda et de Seat. Il poursuivra ensuite par des achats prestigieux comme ceux de Bentley et Lamborghini avant de se faire un gros plaisir personnel, la reprise et la relance de Bugatti. On ajoutera aussi la marque de moto italienne Ducati. Les constructeurs de camions Man et Scania viendront compléter l’offre du groupe VW au passage du millénaire.
Toutefois dans son oeuvre Ferdinand Piëch n’aura pas pu intégrer un autre morceau d’Italie qui lui tenait à coeur, Alfa Romeo.

L’homme était craint mais respecté. Il était aussi d’allure discrètement bourgeoise mais aussi un peu mégalomane, F.Piëch était surtout un vrai passionné d’automobile, de mécanique et de technologie.
Réputé intraitable et autoritaire avec ses assistants, ses cadres , ses directeurs, il a agi de la même façon avec les membres de famille présents dans le groupe.
Ainsi il n’a pas su ou pas voulu éviter les tensions familiales notamment au sein du Conseil d’administration. Etait ce volontaire ou non, nous ne le saurons jamais mais au fil des ans Piëch semblait avoir de plus en plus de mal à accepter d’avoir été évincé de Porsche par son oncle Ferry au début des seventies car ce dernier lui reprochait des tendances dépensières pour mener à bien ses projets et pas ceux mis en place par d’autres ingénieurs ou directeurs.

Ferdinand Piëch met également en place de nouvelles méthodes de travail tant au niveau de la direction du groupe que dans la gestion de l’entreprise et des sites de production.

En 2002, il quitte la direction opérationnelle de Volkswagen pour prendre la présidence du directoire du Groupe. Même s’il est moins impliqué directement dans la vie des services de R&D et de la production, Piëch n’a surtout pas dit son dernier mot et lance des programmes divers et variés qui lui tiennent à coeur.
Il n’est certes plus le patron d’une marque ou de plusieurs, il est le grand patron et sa position (très) forte s’appuie alors sur sa « légitimité » familiale. Il est le petit fils de Ferdinand Porsche, le fondateur de Volkswagen.
Porsche revient dans la vie de Piëch à la fin de la première décennie du XXIeme siècle. A cette époque Porsche s’engage, riche entreprise en devenir se lance dans une opération financiaro-boursière qui a pour finalité, l’absorption pure et simple de Volkswagen.
Toutefois, Porsche ne prend pas en compte la bulle financière et semble ne pas voir venir la crise économique qui s’annonce. La fin de l’année 2008 et les premiers mois de 2009, tournent au quasi psychodrame familial entre les membres de la famille mais aussi entre les deux entreprises pourtant très liées industriellement et historiquement.
Le patron de Porsche d’alors, Wendelin Wiedeking, n’a pas tout géré et il n’a surtout pas vu venir le phénomène de spéculation autour des actions de Volkswagen qui atteignent des sommets.
Porsche s’est lancé dans une affaire trop difficile et trop grosse et se retrouve en difficulté.
A l’été 2009, Wiedeking doit quitter Porsche qui ne doit alors la vie qu’au sauvetage mis en place par… le groupe Volkswagen et Ferdinand Piëch qui tient ici une revanche sur la famille Porsche.
En 2014, l’ex patron de Porsche et l’ancien directeur financier, Holger Härter, d’avoir donné en 2008 des informations inexactes sur les velléités de Porsche concernant Volkswagen et sont convoqués devant la justice allemande pour manipulation pour des faits de manipulation boursière.
Sans aller plus loin et pour revenir à l’année 2009, dès cette affaire, Porsche est totalement sous la férule de Piëch et ça, ça n’avait pas de prix.

La période 2005-2015 sont aussi les années du lancement des plateformes globales et rationalisées MQB, MLB, MSB qui doivent servir à fabriquer tous les modèles de toutes les marques du groupes. Plus près de nous, la plateforme MEB pour les véhicules électriques découle de la même logique indutrialo-financière.
Piëch lance aussi la Gläserne Manufaktur de Dresde ou usine de verre qui doit servir à lancer un projet presque surréaliste, la Phaeton, c’est à dire une limousine de luxe et de haute technologie faite quasiment à la main vendue sous le logo du fabricant de la voiture du peuple. Si la voiture est pleine de qualités, l’échec commercial est au bout de la route et la production du modèle stoppée en 2016 avant d’être remplacée par celle d’un modèle d’avenir, la e-Golf.
La gouvernance Piëch entre 2002 et 2015, c’est aussi la belle renaissance de Bugatti, la montée en puissance de Lamborghini, la valorisation et la reconnaissance de Skoda, le succès incontestable de Porsche depuis 2010 sur tous les marchés ou le beau développement des filiales PL que sont Man et Scania.

2015 est pour le Groupe Volkswagen et ses marques, l’année ou plus exactement la rentrée de tous les dangers puisqu’à l’ouverture du prestigieux salon de Francfort, là où les firmes automobiles allemandes montrent leur puissance, éclate l’affaire du Diesel gate.
Toutefois, et il sera difficile de le savoir désormais, Piëch n’est pas réellement impliqué dans le scandale puisqu’au printemps 2015 il a démissionné de son poste de Président du Comité de surveillance notamment suite à de fortes divergences avec Martin Winterkorn, le patron de l’entreprise.
Bien sur, l’affaire affecte Ferdinand Piëch qui voit dans cette affaire d’ECU truquée une sorte d’incendie dans l’empire industriel qu’il a bâti mais l’homme restera toujours discret sur le sujet malgré quelques pics bien senties dont il avait le secret.
2017, l’année de ses 80 ans, Piëch « se range des voitures » et se désengage de Volkswagen en vendant la totalité de ses participations dans l’entreprise allemande.

Depuis cette période, il vivait en famille et en retrait du monde automobile en Bavière où il est décédé d’un arrêt cardiaque lors d’un repas le 25 août dernier.

De Ferdinand Piëch, on se rappellera qu’il fut un grand mais pas facile « capitaine d’industrie » qui permit au groupe Volkswagen de devenir n°1 mondial du secteur automobile. On n’oubliera pas qu’il fut le grand initiateur de projets mécaniques, techniques et industriels qui ont permis à l’automobile d’avancer mais qu’aussi durant ses années d’activité cet ingénieur nous a permis de profiter d’un grand nombre d’architectures mécaniques singulières comme les moteurs L2, L3, L4, L5, V5, V6, VR6, V10, W8, V8, W12 ou le W16 qui fait le bonheur des Bugatti Veyron et Chiron.

Crédits photos : Groupe Volkswagen, Lignes/auto (Bugatti EB118)

Frédéric Euvrard

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