Tout ne va pas pour le mieux dans le monde des fusions et le dossier FCA/Renault en est un bon exemple.
Le projet présenté par FCA au conseil d’administration de Renault en début de semaine poserait déjà problème notamment du coté des conditions financières.
Des désaccords importants
On apprend ce jeudi que de gros désaccords sur le volet financier de la possible fusion seraient apparus entre les deux groupes automobiles.
Le premier point de friction concerne les cours de bourse sur lesquels FCA base son offre de rapprochement.
De vrais désaccords entre les parties sont apparus ce jeudi.
Du côté de Renault, plusieurs administrateurs estiment qu’il est obligatoire que le groupe italo-américain revoie et modifie les conditions financières proposées à Renault qui se trouve ainsi « rabaissé » dans la fusion 50/50 du fait d’une valeur boursière inférieure à celle de FCA. Les membres du CA de Renault souhaiteraient un rééquilibrage sous la forme d’une prime donnée à tous les porteurs d’actions.
De l’autre coté de l’Atlantique on estime que les conditions de la fusion, notamment du point de vue financier, sont claires et qu’elles ne sont pas négociables.
La direction du groupe automobile américaine précise, pour asseoir son offre, que la sous-valorisation de l’actionRenault en bourse est uniquement liée aux dysfonctionnements internes observés au sein de l’Alliance et non au départ « agité » de Carlos Ghosn.
Selon Les Echos, une source proche du dossier aurait dit simplement : « Cette proposition semble équitable, elle a été approuvée par le conseil d’administration de FCA. C’est à prendre ou à laisser, et ce, rapidement. »
Une fusion à 50/50 pas très égale
Chez Renault se dit lésé et malmené. On justifie cette position en expliquant que FCA a fait sa proposition en ce basant sur le cours de l’action au 24 mai 2019 mais pour le constructeur français, la valeur de l’action à 51.70€ correspond à un plus bas depuis 2014. L’affaire s’explique simplement par les conséquences imputables au dossier Ghosn.
Aussi pour aller vers l’équilibre du partenariat, Renault fait comprendre qu’il souhaiterait la prise en compte de la valeur moyenne de l’action en 2018 qui est rarement passé en dessous des 70€.
Mais même face à ces arguments financiers, FCA reste impassible et assure que sa proposition est équilibrée à la fois en termes de valorisation qu’en en termes de gouvernance, et bien sur le plan industriel ainsi que dans le partages des technologies.
Et les dirigeants de FCA sont clairs et fermes puisqu’ils disent que faire une fusion à 50/50 reviendrait à donner un prime à Renault et ses actionnaires ce qui est hors de question.
FCA se propose donc de verser une prime complémentaire définie par Fiat Chryler et fait savoir qu’en aucun cas la répartition dans la possible future structure ne sera supérieure à 51.3 % pour FCA et 48.7 % pour Renault. En clair et pour faire simple, les américains prennent la main et de fait la gouvernance de la nouvelle entité.
Chez Renault, on assure être un peu surpris par la posture un peu agressive de la direction de FCA qui veut imposer ses choix et semble vouloir avoir la main mise sur la gestion des deux entreprises fusionnées.
On pourrait ajouter qu’au delà des USA et du Brésil, il y a un peu le feu pour FCA et il faut agir vite, en tentant de s’imposer, sous peine de se trouver dans une impasse et des difficultés financières et sociales importantes.
Carlos Tavares s’en mêle…
Le patron du groupe PSA, qui connait très bien la marque au losange, a lui aussi fait sa petite sortie sur cette affaire de fusion Renault/FCA.
A Bloomberg, C.Tavares a dit sans ambages que FCA veut tout simplement prendre le contrôle de Renault. Des propos qui confirment plus ou moins ce que nous disions plus haut. Il s’en explique d’ailleurs en quelques lignes et l’affaire évoquée par le patron de PSA parait avoir du sens.
Selon lui, FCA a jeté son dévolu sur Renault (au lieu de PSA) pour des raisons financières essentiellement et par la possibilité de récupérer rapidement une technologie électrique facilement adaptable en Europe.
Pour la partie financière la raison est toute simple et tient à la capitalisation plus faible qu’à l’accoutumée de Renault et à l’actuel situation tendue au sein de l’Alliance.
Carlos Tavares sous entend clairement qu’avec une action Renault à son cours moyen d’avant l’affaire Ghosn, FCA ne serait jamais venu chercher Renault.
Il poursuit en expliquant que sous le couvert de cette fusion à « 50/50 », on assistera très vite à une prise de contrôle virtuelle de Renault par FCA, notamment par le jeu des valorisations et manipulations boursières… que le groupe américain sait très bien utiliser depuis la formation faite par Marchionne il y a quelques années.
Tavares poursuit en expliquant que cette fusion pourrait être pour Renault, un atout dans les discussions avec Nissan, mais aussi un vrai point faible qui pourrait très vite menacer l’Alliance, voire même, mener à court terme à sa disparition.
…Patrick Pelata aussi
L’ancien directeur général de Renault, Patrick Pelata, a lui aussi un avis sur le dossier de fusion.
Il assure que si l’affaire est gagnante pour FCA, elle l’est beaucoup moins pour Renault. Comme Carlos Tavares, il explique que la valorisation proposée par FCA est en soi « déjà un vrai problème » et qu’entamer des discussions puis des transactions sur ces bases ne serait pas raisonnable pour la marque au losange.
Un zeste de politique
On gardera aussi à l’esprit une autre zone d’ombre qui plane au dessus de ce dossier, les relations franco-italiennes qui sont tendues notamment du fait des profonds désaccords qui existent entre Emmanuel Macron et le vice-président du Conseil italien Matteo Salvini.
Si les deux exécutifs semblent assez proches sur l’idée de cette fusion, le fond et l’approche socio-industrielle en sont tout différents de chaque coté des Alpes.
Le coup d’oeil d’une agence de notation
Standard & Poors Global Ratings donne aussi son avis sur le dossier et explique qu’une fusion de FCA avec Renault augmenterait essentiellement les flux de dividendes et beaucoup plus de flexibilité financière pour la holding Exor.
Si l’accord venait à exister, Exor profiterait très vite de quelques 725 millions d’euros de dividendes extraordinaires destinés à neutraliser (en apparence) l’écart de valorisation entre FCA et Renault.
A cette somme, viendrait s’ajouter sur le compte d’Exor plusieurs centaines de millions d’euros liés à la situation de Comau et à la récente vente de Magneti Marelli. Certains experts estiment cette somme pourrait se situer entre 650 et 670 millions d’euros.
Ainsi, Exor pourrait engranger à la suite de la fusion des deux groupes automobiles près de 1.4 milliard d’euros ce qui est loin d’être négligeable.
Au final et seulement au bout de 5 jours, on découvre déjà beaucoup de problèmes dans ce dossier de fusion FCA/Renault. On y parle de sous valorisation boursière, d’une possible captation de technologies, d’une gouvernance dominée par FCA, de risque de casse sociale et même si Jean-Dominique Sénard assure que l’examen du dossier FCA est prioritaire, l’affaire est très loin d’être faite comme le disait le ministre de l’économie il y a trois jours.
Enfin, on n’oubliera pas Nissan dans cette affaire et qui reste opposé à toute fusion (même et surtout avec son concurrent sur le marché américain) même si le patron de Renault n’exclut pas, une fois la fusion réalisée (si elle se fait !), d’élargir ensuite la nouvelle entité à Nissan.
Le constructeur japonais, serait d’ailleurs courtisé directement par FCA. Selon France Info, le groupe automobile d’Auburn Hills aurait pris l’initiative d’écrire aux dirigeants de Nissan pour leur présenter un deal afin qu’ils interviennent auprès de Renault et s’impliquent dans le dossier.
L’affaire est loin d’être réglée et la fusion, très loin de devenir une réalité.
Ce deal, finalement pas très clair, pourrait donc jouer un sale tour à Renault. En effet, si messieurs Sénard et Bolloré foncent tête baissée dans cette fusion FCA/Renault sans entendre les avis venus de l’extérieur ou sans prendre en compte la position de l’Alliance qui, malgré de difficultés, était en 2017 et restait en 2018, le n°1 mondial du secteur automobile, l’affaire pourrait être très difficile à gérer.
A suivre.
NDLA : ce matin l’action Renault a plongé jusqu’à -4.46% et celle du groupe FCA de -5.16%. Toutefois en cette fin de matinée, les cours boursiers des deux actions sont repartis à la hausse.
Via Les Echos, Bloomberg, Reuters, Boursorama, AFP, AP, La Tribune.
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