Ce mardi 17 décembre dans l’après midi, le conseil de surveillance de Fiat Chrysler se réunira pour revoir le dossier de la possible fusion avec PSA et faire le point sur les prochaines étapes à engager dans le processus qui pourrait mener à faire un seul groupe industriel dans les prochains mois.
Par ailleurs si on en croit l’agence Reuters, un conseil de surveillance doit aussi se tenir mardi dans la journée au siège du groupe PSA.
Lors de ces réunions séparées, les deux groupes automobiles doivent réexaminer les conditions de la fusion mais aussi celles de la gestion du futur groupe industriel et potentiel n°4 ou n°5 mondial du secteur automobile.
Toutefois de grosses incertitudes existent et elles pourraient poser problème dans un avenir qui n’est pas si lointain que ça puisqu’il est fixé à 2025.
Un protocole d’accord pas simple à finaliser
Si l’on s’en réfère à l’accord daté du 31 octobre dernier ouvrant les discussions, on note que l’on parle dune gouvernance dite équilibrée » puisque chacun des deux associés nomme 5 des 10 membres du conseil d’administration de la future entreprise.
Toutefois le Groupe PSA pourrait avoir un avantage puisqu’on évoque le fait que le PDG du nouvel ensemble industriel, nommé pour 5 ans [ndla : en 2025, C. Tavares aura alors 66 ans], siégera à ce titre comme onzième membre du conseil d’administration.
Si entre 2020 et 2025 ou 2021 et 2026, l’affaire semble entendue, elle apparaît moins évidente par la suite quand Carlos Tavares aura quitté ses fonctions.
On ne sait pas si le groupe industriel français restera aux commandes avec un autre homme ou si FCA prendra les rênes pour les cinq années suivantes.
Certains analystes disent que PSA resterait aux commandes de PSA/FCA mais que le groupe italo-américain profiterait des valorisations très favorables à ses actionnaires et, de fait, garderait la main sur les cordons de la bourse ce qui n’est peut être pas une bonne chose pour le groupe français.
Des problèmes qui vont au delà de la simple gouvernance d’entreprise
Au delà de ce problème de gouvernance, d’autres problèmes apparaissent dans ce dossier de fusion et ils pourraient sérieusement faire réfléchir les membres du conseil de surveillance de PSA mais aussi la famille Peugeot.
On évoque aussi le cas d’un actionnaire important pour le groupe PSA, Dongfeng.
La possible nouvelle entité industrielle va dissoudre les participations des actionnaires et notamment celle du partenaire chinois de PSA, celle de la famille Peugeot et celle de BPIFrance. Avec les nouvelles nomenclatures et structures financières, ces trois actionnaires de référence du groupe industriel risquent de voir leurs participations fondre de moitié pour passer de 12.23 % du capital aujourd’hui chez PSA à 6.0-6.1% dans le groupe PSA/FCA. Il n’est pas sur que cela ravisse tout le monde et notamment Dongfeng qui fut le sauveur de PSA il y a quelques années.
Chez BPIFrance, on ne bouge pas pour l’instant et on pourrait ne rien faire face à cette perte d’influence ou de pouvoir puisque notre fameux ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est réjoui de cette possible fusion. Ce doit être une habitude chez le ministre puisqu’il s’était d’ailleurs félicité d’une possible union Renault/FCA au printemps dernier comme il le fait chaque fois qu’une entreprise nationale plus ou moins importante devient la propriété d’entreprises ou de fonds installés en dehors de l’hexagone.
Un autre problème pourrait venir des Etats Unis et il s’appelle Donald Trump. Certaines sources proches du dossier murmurent en effet que le président américain, en pleine guerre commerciale avec la Chine depuis de très longs mois, verrait d’un assez mauvais oeil une entreprise installée à Wuhan prendre pied dans une autre installée à Detroit.
Enfin, on n’oubliera pas la rivalité économique et financière qui oppose de longue date les Peugeot et les Agnelli/Elkann notamment en matière de puissance industrielle et de fortune.
L’affaire si elle se faisait dans ces conditions permettrait aux Agnelli de récupérer beaucoup d’argent à court terme et ceci sans rien vendre ce qui n’est pas le cas des actionnaires de PSA et parmi ceux-ci, les Peugeot.
Dans l’état actuel du projet, Exor, la holding des Agnelli/Elkann serait prédominante sur la famille Peugeot et il n’est pas certain que cela plaise du coté de la Franche Comté et de la Suisse.
Un train de soucis pour FCA
On notera par ailleurs que FCA est sous le coup d’un redressement fiscal d’importance notifié par le fisc italien. Celui-ci s’élèverait à 1.3 milliard d’euros car Fiat aurait minoré de manière sensible ses activités américaines (-5.6 milliards d’euros) lors du rachat de Chrysler en 2014 et ceci, pour bénéficier des aides maximales proposées par l’état fédéral américain.
Par ailleurs, le groupe italien a ensuite transféré son siège social aux Pays-Bas et son siège fiscal au Royaume-Uni.
À ce titre, il était soumis à une taxation sur les gains de capital imposée quand les groupes déplacent leurs actifs en dehors de l’Italie. Le taux d’imposition s’élevait à 27.5%, ce qui signifie un possible redressement de 1.5 milliard d’euros qui est toutefois négociable et qui pourrait être minoré.
Les régulateurs antitrust de l’UE qui avaient ordonné à FCA de rembourser un total de 30 millions d’euros d’impôts luxembourgeois sont sur les traces du groupe industriel.
Fiat Chrysler vient de faire appel de cette décision devant la plus haute instance judiciaire européenne (Haute Cour de Justice) et est en attente d’un prochain jugement. L’affaire n’est toutefois pas vraiment gagnée puisque la HCJE s’est « frottée » avec succès à des groupes bien plus puissants que FCA.
On ajoutera la plainte déposée aux USA par GM le 20 novembre dernier.
General Motors accuse clairement FCA, et a priori avec des preuves suffisantes, d’avoir versé pendant de nombreuses années (2009 à 2015) des pots-de-vin conséquents à des dirigeants syndicaux afin d’obtenir des coûts salariaux plus favorables lors des négociations avec l’UAW. Le coût financier de cette affaire pourrait être très élever puisqu’elle affaiblirait considérablement la trésorerie du groupe.
Ainsi, les dommages et intérêts demandés par GM pourraient grimper jusqu’à 13.5 milliards (~12.1 milliards d’euros) ce qui n’est pas rien.
On ajoutera une procédure en cours depuis mars dernier aux USA pour des moteurs de 862.520 véhicules à essence non conformes aux normes américaines de pollution.
Cela sans oublier que FCA a accepté en début d’année de payer près de 800 millions de dollars (694 millions d’euros) pour solder un litige avec le département américain de la Justice et la Californie pour des soupçons de recours à un logiciel tricheur qui modifiait les niveaux d’émissions polluantes des véhicules diesel du groupe.
On aura aussi à l’esprit que le groupe a annoncé il y a trois semaines le rappel de quelques 700.000 SUV dans le monde à cause d’un problème de connexion électrique susceptible d’empêcher le démarrage des moteurs ou de les faire caler alors qu’ils sont en fonctionnement. Cette affaire pourrait encore coûter quelques dizaines de millions de dollars à FCA.
Nous en finirons avec cette potentielle fusion PSA/FCA en rappelant que le dossier ne sera pas bouclé dans les prochains jours car, aussi bien FCA que PSA, ont rappelé il y a peu qu’ils veulent se mettre en conformité avec les instances de régulation et de surveillance de la concurrence. Pour ce faire, il va falloir monter et soutenir des dossiers sur plusieurs grands marchés avant d’obtenir les accords définitifs et cela pourrait bien durer une partie de l’année 2020 avant que le projet soit définitivement entériné par les deux protagonistes.
A suivre.
Via PSA, FCA, Reuters, LeFigaro, BFM, AP.