L’affaire Nissan/Ghosn pourrait-elle sortir de la voie tracée par le procureur du tribunal de Tokyo ?
Rien n’est sur mais c’est une option qui apparaît et qui devient presque plausible après une audience préliminaire qui se tenait ce jeudi matin au Japon.
Une première « vraie » audience et un gros dossier
En effet, lors de cette audience, l’ancien patron de l’Alliance et ses trois avocats japonais (messieurs Hiroshi Kawatsu, Junichiro Hironaka et Takashi Takano) a purement et simplement demandé l’abandon des poursuites qui pèsent contre lui à cause des nombreuses violations de la procédure judiciaire engagée depuis 11 mois.
Carlos Ghosn et ses conseils n’y vont pas de « main morte » puisque dans un document remis à la justice japonaise il est question des nombreux et graves manquements commis par les procureurs qui rendraient de fait les accusations illégales, déloyales, dépourvues d’intégrité et d’objectivité.
Dans ce rapport de plusieurs dizaines de pages, les avocats de C.Ghosn expliquent et démontrent qu’il y aurait une collusion illicite entre les procureurs, des personnels et cadres du Ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie japonais et des dirigeants de Nissan.
Ces derniers sont même particulièrement chargés puisque les avocats assurent que la direction de Nissan a mis en place une sorte une « task force » secrète chargée de rechercher par tous les moyens d’imputer artificiellement des actes répréhensibles à Carlos Ghosn.
Ces manoeuvres avaient pour seul objectif d’éjecter Carlos Ghosn de la tête de l’Alliance Renault-Nissan afin de l’empêcher de mener à bien une intégration renforcée entre Nissan et Renault, qui aurait menacé l’autonomie de l’un des grand nom de l’industrie automobile japonaise passé sous pavillon français.
Saikawa et ses assistants dans le viseur
Selon des éléments rapportés par les médias, le dossier des avocats de l’ex patron de Renault met en avant le fait que l’équipe dédiée à l’éviction de Ghosn enquêtait uniquement à charge et dans le sens voulu par le patron de Nissan d’alors, Hiroto Saikawa.
Cette équipe de cadres et son travail ne permettent pas de croire en la probité et l’objectivité du dossier des procureurs.
Par ailleurs, on apprend que les services du procureur ont délégué à des consultants et des cadres de Nissan.
Ceci se serait fait en toute illégalité au regard de la loi japonaise car leurs pouvoirs d’enquêtes en foulaient aux pieds les droits de Carlos Ghosn, tant au Japon et que dans d’autres pays où l’enquête a été menée par des gens de Nissan en dehors de tout cadre légal.
Les avocats japonais de Ghosn mettent aussi en avant des faits de procédures abusifs et injustifiés comme le recours illégal à une enquête interne de Nissan menée en total conflit d’intérêt, le détournement du plaider-coupable japonais, la manipulation de salariés de Nissan, la saisie illégale du téléphone de l’ex grand patron ou même celle d’objets appartenant à l’épouse de Carlos Ghosn.
Un dossier qui est surtout une affaire financière
Bien évidemment, la partie financière du dossier est évoquée dans le sens voulu logiquement par Carlos Ghosn mais on apprend toutefois que Nissan ne s’est jamais engagé officiellement à verser les indemnités évoquées par Saikawa et que Carlos Ghosn ne les a jamais touchées.
Par ailleurs, les avocat explique que tous les documents transmis aux autorités boursières japonaises indiquaient avec exactitude la rémunération versée à Carlos Ghosn et que tous ces documents étaient contrôlés et validés par le « gendarme de la bourse de Tokyo.
L’affaire Suhail Bahwan Automobiles (SBA) revient elle aussi sur le devant de la scène et les trois avocats, documents validés par Nissan (donc Saikawa) à l’appui, précisent que malgré les allégations de la direction de Nissan aucun des fonds versés par Nissan à SBA n’a été reversé à C.Ghosn ou à un ou plusieurs membres de sa famille, notamment pour financer l’achat d’un yacht, non pas destiné à Nissan ou à l’Alliance mais à Carlos Ghosn.
Toujours dans le cadre de cette « affaire » moyen-orientale, les défenseurs de l’ancien grand patron assurent que des primes sur les ventes et le marketing justifiées (documents officiels non présentés par Nissan) ainsi que des primes incitatives pour avoir considérablement augmenté les ventes de Nissan à Oman et dans d’autres pays du Golfe persique ont bien été mise en place pour un montant global de 32 millions de dollars (~29 millions d’euros).
L’ensemble des sommes versées à SBA ont été intégralement vérifiées, approuvées et signées par plusieurs dirigeants de Nissan en place à l’époque des faits reprochés.
Saikawa ne sera pas un héro
Si on en croit Le Figaro, l’ensemble de ces éléments ne permettraient pas la tenue d’un procès juste et équitable mais plutôt la mise à terre d’un homme à cause de poursuites politiquement motivées, biaisées et menées sans aucun soucis d’objectivité.
Les propos des avocats de Ghosn laissent presque à penser qu’il y aurait eu connivence entre le procureur, ses services et le patron de Nissan qui se rêvait en héro national, sauveur de l’industrie automobile japonaise.
Hélas pour lui, Saikawa a été débarqué par le conseil d’administration de Nissan au début du mois. Cette éviction de la direction de l’entreprise laissera surement du temps au tombeur de Ghosn de préparer son dossier et sa défense car, lui aussi, est impliqué dans ce dossier.
Vers l’annulation de la procédure ?
Maîtres Kawatsu, Hironaka et Takano assurent en choeur que cette pseudo affaire n’aurait jamais dû donner lieu à des poursuites pénales et c’est pour cela qu’ils ont déposé une requête en annulation de l’ensemble de la procédure.
Il est fort peu probable que celle-ci aboutisse d’autant que le parquet japonais a plusieurs semaines pour répondre aux avocats et que rien n’a été annoncé au sujet d’un possible report du procès.
Celui-ci est toujours programmé dans le courant du printemps prochain (fin avril 2020) et rien n’a changé pour le statut de C.Ghosn qui ne peut toujours pas se déplacer en dehors de la capitale du Japon.
Affaire à suivre dans les prochaines semaines pour voir si les choses ont évolué, que ce soit dans un sens ou dans l’autre.
Via AP, LesEchos, LeMonde, Nikkei, FranceInfo.