Lors des deux séances d’essais de ces 24 Heures, les protagonistes des LMP1 et LMGT Pro se sont livrés à une curieuse partie de poker menteur. La faute à ces fameuses équivalences réglementaires qui peuvent en deux temps trois mouvements vous mettre trois à quatre secondes dans la poire sans que vous n’y puissiez pas grand chose. Il vous faut alors enregistrer la décision des commissaires qui, au nom de la sacro-sainte BoP (Balance of Performance) peut vous reléguer à une poignée de seconde de la concurrence.
Alors quand Pierre Fillon le président de l’ACO dévoila la tenue du règlement 2020-2021, la simple évocation de cette BoP comme élément régulateur de la course avait de quoi sérieusement interpeller les observateurs un tant soit peu au fait de la difficulté de mettre en place des règles équitables et satisfaisantes pour l’ensemble des concurrents.
Toyota et Aston Martin sont déjà engagés dans le projet Hypercar (d’autres marques vont suivre)
Fort de son expérience en LM GT Pro au volant de la Ford GT, Sébastien Bourdais, par exemple, en était encore tout contrit jeudi après midi en évoquant la longue suite de rectifications de la BoP dont ont été débités les voitures de Detroit. Le pilote de dire :« On est un peu responsable de tout cela. Nous sommes arrivés dans cette compétition avec des armes lourdes alors que tout le monde se battait avec des pistolets ».
Le Manceau regrettait évidemment les (trop) nombreuses pénalisations techniques dont furent victimes les voitures américaines tout au long de leur carrière européenne dans ce championnat WEC désormais en plein questionnement.
Il faut bien avouer que les « Ganassi boys » furent un peu naïfs en ne saisissant pas le subtil jeu du masquage de perfs’. Sans doute de guerre lasse, le grand constructeur américain a décidé de rendre sa carte de handicap.
L’avertissement est de taille et en cette fin de Super Saison 2018-2019, les responsables de l’ACO ont été contraints de se projeter dans un avenir que certains voient comme très compliqué pour l’Endurance.
Vendredi, la conférence de presse habituelle de l’ACO avait donc pour objet principal de présenter les grands traits de la réglementation 2020-2021. Même si beaucoup de choses avaient fuité, il restait de grandes interrogations quant à l’avenir de la série automobile et sportive. Pierre Fillon, le président de l’ACO a donc précisé les grandes règles régentant à l’avenir la discipline.
Protos contre hypercars de série avec ou sans hybridation
Avec la future réglementation, les constructeurs auront donc deux options, soit construire un proto ayant les formes d’une de ces hypercars qui font, fureur dans les « endroits friqués et trop branchés » de la planète, soit faire évoluer une de ces hypercars de route à condition que plus de 20 exemplaires soient fabriqués en deux ans.
Le poids minimum est fixé à 1100 kg, la puissance à 550 kW (750 cv), la performance au tour est prévue à 3’30 secondes au tour du circuit du Mans. Seul un manufacturier sera autorisé dans cette catégorie.
Une totale liberté aérodynamique est laissée sur et sous la voiture mais certains critères de sécurité aérodynamique seront imposés à tous.
Coté moteur, l’hybride n’est pas obligatoire mais pour les autos qui en seront équipées, la puissance liée à l’hybridation sera exclusivement distribuée sur les roues avant et ne délivrera pas plus de 200 kW (270 ch).
Sur les hybrides de course, le système devra être issu d’un modèle de série et il ne pourra se déclencher qu’à partir de 120 km/h sur piste séche et seulement entre 140 et 160 km/h sur piste humide.
La courbe de puissance du moteur sera réglementée et le carburant sera identique pour tous les concurrents de ce nouveau groupe.
La BoP au pouvoir
C’en est fini pour l’équivalence, bonjour la systématisation de la BoP, en français, balance des performances. Le but très autoproclamé est de réduire les budgets, ceux-ci ayant explosé ces dernières années avec l’arrivée de l’hyper complication technique.
Pour permettre à la course de retrouver un côté spectaculaire, les législateurs techniques de la FIA et de l’ACO imposeront les définitions de fenêtres d’efficacité. Celles-ci seront validées lors de l’homologation du modèle et devront accompagner les performances de la voiture tout au long de sa vie sportive. Le système doit mener à un seul objectif : L’équilibrage permanent des performances, pas question de laisser un concurrent dominer et endormir un public par ailleurs assez malmené par des règles parfois pas très claires.
Alors, forcément cela sera compliqué de suivre et d’expliquer pourquoi untel met trois secondes sur une course et prend une valise sur les autres.
Le futur règlement en images
C’est un peu ce qui se passe en LM GT Pro, les courses sont haletantes mais on l’a vu depuis que la BoP est appliquée, ce sont les plus rusés qui s’en tirent le mieux. Alors, pour une victoire au scratch pensez donc ! Cela va phosphorer ferme durant les débriefings des écuries.
Les intentions sont sans doute louables, de toute façon, les patrons de la FIA et de l’ACO n’avaient pas le choix.
Pourtant, cette ultra complication des règles du jeu n’ira pas dans le sens de la compréhension de la course. Il faudra sans doute trouver un autre modèle à la gestion de ce championnat du monde d’Endurance. Cela passe sans doute par un retour au basique comme par exemple le respect du public et des principes de course qui se jouent sur la piste, pas en back office.
Via ACO, FIA.
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